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What remains ?

 

Lorsque la brume apparaît, le paysage se révèle autre. Ne reste de l'homme que des traces. Comme s'il abandonnait sa création au mystère. L'oeil se perd dans les lignes de fuite, dans les formes géométriques. Une invitation au voyage intérieur. La brume convie le photographe à jouer avec les lignes et les formes, les contrastes et les ombres, la présence et l'absence, l'espace et le temps, la mémoire et l'oubli, le mystère et la poésie. Le noir et blanc apparaissant alors comme une évidence.

L'automne venu, je poursuis une vieille amie faisant partie intégrante de la nature : la brume. Elle a ce don : elle révèle l'essentiel et elle replace tout dans une évidence universelle. Elle agit comme un rideau magique. En effet, qui enveloppe aussi bien la rectitude des canaux, la rigueur des alignements arborés et l'ondulation des rubans d’asphalte ? Qui souligne aussi bien la tête du phare et lui coupe le pied ? Qui met en évidence les éléments constitutifs d'un paysage ? Qui fait en sorte que chaque endroit ne soit jamais tout à fait identique ? Qui créé des illusions et des mirages sous nos latitudes ? La brume. Quand elle monte, elle enveloppe un à un les éléments du paysage jusqu'à les phagocyter totalement. De la prééminence de l'homme et de ses interventions et impacts sur son environnement, elle va apporter un mode de lecture. C'est un révélateur de traces. Bizarrement, elle clarifie les choses.

Mais la brume nous interpelle aussi car elle joue avec l’espace.

 

Elle efface l'horizon, elle escamote la destination des chemins, elle avale les points de fuite. On ne peut lui échapper. On ne sait jamais jusqu’où elle va monter. Que restera-t-il devant nos yeux ? Au pire, on sait qu’elle peut tout gommer.

 

Elle dialogue également avec le temps : disparition du passé et inexistence de l'avenir.

 

On se demande qui va disparaître en premier, dans quel ordre elle a programmé ses effacements. Laissera t-elle le soleil revenir ? Combien de temps garderons-nous la réminiscence de ce qui fut ? De quelle empreinte ce passé va-t-il nous marquer ? Quelle sensation va-t-il laisser dans nos âmes ?

 

Quand elle se retire, on tremble à l’idée de ce qui aurait pu disparaître et dont on ne décèle pas l’absence, l’oubli l’ayant déjà chassé de notre mémoire. Le film qui se déroule alors sous nos yeux et nos objectifs crépitants n’est pas l’inverse de celui de sa montée. Ces instants faussement symétriques sont des fenêtres ouvertes un court instant sur une double réalité.

 

Avant et après la brume, rien n’est pareil. De certains parfois on ne retrouve que des traces, même s’ils furent des millions.

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